Au Québec, la situation liée à la pandémie de la COVID-19 continue d’avoir un impact important pour les entreprises québécoises, notamment avec le resserrement des mesures sanitaires requérant le port du masque en tout temps en milieu de travail, l’ajout d’un couvre-feu ainsi que le maintien des politiques concernant la distanciation sociale. La vaccination semble être la solution prônée par nos autorités gouvernementales afin d’éventuellement voir la lumière au bout du tunnel. Mais qu’en est-il des droits des employeurs face à la vaccination des employés en milieu de travail ?

Les employeurs peuvent-ils exiger que leurs employés soient vaccinés ?

Rappelons que selon la Loi sur la santé et la sécurité du travail,1 les employeurs sont tenus de prendre les mesures nécessaires afin de protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique de leurs travailleurs. Cette obligation s’avère d’autant plus essentielle dans le contexte de la pandémie actuelle, d’où les mesures sanitaires qu’ils doivent appliquer. Mais est-ce que cela va jusqu’à obliger la vaccination des employés ?

De prime abord, la réponse à cette question nous apparaît négative. D’abord, l’article 10 du Code civil du Québec prévoit le principe de l’inviolabilité de la personne et du droit à son intégrité. À cet égard, l’article 11 du Code civil du Québec prescrit que nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examen, de prélèvement, de traitement ou de toute autre intervention.2 En droit québécois, outre le Code civil du Québec, la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12) prévoit également que « toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique ». Ainsi, au Québec, deux lois d’importance s’appliquent pour défendre des principes d’autonomie corporelle, d’inviolabilité de la personne et du droit à la protection de l’intégrité physique.

L’exception de l’exigence professionnelle justifiée

L’exigence professionnelle justifiée peut toutefois constituer une exception au principe de l’inviolabilité de la personne et du droit à la protection de son intégrité physique. Cette exception pourrait ainsi permettre à un employeur d’imposer des mesures comme le retrait du milieu de travail sans solde à un employé refusant d’être vacciné à la condition de démontrer qu’il s’agisse d’une exigence professionnelle justifiée, laquelle devra poursuivre un objectif légitime et être basée sur des principes de rationalité et de raisonnabilité.

La vaccination pour les travailleurs de la santé

À l’heure actuelle, étant donné l’état d’urgence sanitaire dans lequel le Québec se trouve depuis quelques semaines suite à l’arrivée des nouveaux variants hautement contagieux, le gouvernement s’est en quelque sorte prévalu de l’exception de l’exigence professionnelle justifiée et a ainsi adopté, en date du 9 avril 2021, un nouvel arrêté ministériel3 qui prévoit l’obligation pour les travailleurs de la santé de fournir une preuve de vaccination, tout en prévoyant des mesures dont notamment les suivantes :

  • le travailleur qui a reçu une dose d’un vaccin contre la COVID-19 depuis moins de 14 jours ou celui qui n’a pas reçu une dose d’un vaccin contre la COVID-19 ou qui refuse de fournir la preuve d’une telle vaccination à son employeur doit passer un minimum de trois tests de dépistage de la COVID-19 par semaine et en fournir les résultats à son employeur;
  • le travailleur qui refuse ou omet de passer un test de dépistage obligatoire ou d’en fournir les résultats doit, lorsque possible, être réaffecté à des tâches visées par son titre d’emploi dans un milieu autre que celui dans lequel il travaille;
  • le travailleur qui refuse une réaffectation en application du décret ou pour laquelle une réaffectation n’est pas possible ne peut réintégrer son milieu de travail et ne reçoit aucune rémunération;

Il faut noter que ces mesures ont déjà été appliquées par le passé. Un précédent existe à cet égard et il s’agit de l’affaire Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardio-respiratoires de Rimouski (FIQ) c. CSSS Rimouski-Neigette4 dans laquelle une infirmière avait été retirée de son milieu de travail sans solde conformément à la politique de son employeur (un Centre d’hébergement et de soins de longue durée) pour ne pas s’être fait vaccinée contre l’influenza. L’arbitre avait jugé que l’employeur avait certes respecté la liberté de l’infirmière de ne pas se faire vacciner, mais qu’il était alors raisonnable pour ce dernier de la retirer de son travail sans solde conformément à sa politique et ce, en raison des risques découlant d’une interaction avec les résidents vulnérables du Centre d’hébergement et de soins de longue durée lors d’une épidémie d’influenza. La Cour supérieure a confirmé la décision de l’arbitre de grief en révision judiciaire5.

En Conclusion

Sous réserve de démontrer une exigence professionnelle justifiée, il pourrait être difficile pour un employeur d’imposer le retrait du milieu du travail sans solde d’un travailleur refusant la vaccination. Une chose demeure : il est important pour les employeurs de continuer à adhérer aux exigences et mesures sanitaires promulguées par le gouvernement afin de s’assurer de protéger la santé et la sécurité de leurs employés dans leur milieu de travail. Rappelons que plusieurs entreprises ont notamment décidé d’encourager la vaccination en offrant des plages horaires à leurs employés afin que ceux-ci puissent aller se faire vacciner, une méthode à considérer pour ceux qui souhaitent faire avancer la vaccination et un retour à la normale le plus rapidement possible !

Le présent article n’est publié qu’à titre informatif et ne constitue pas un avis juridique. Il est important de se rappeler que chaque cas est un cas d’espèce qui mérite une analyse particulière. C’est pourquoi nous vous invitons à communiquer avec Me Annie Francescon, avocate en droit du travail, afin de discuter plus amplement du sujet.

 


1 Loi sur la santé et la sécurité au travail, RLRQ, c. S-2.1, art. 51;

2 Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art. 11.

3 Arrêté ministériel 024-2021 concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19, (2021) 153 G.O.Q II, 1757A, p. 1785A.

4 Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardio-respiratoires de Rimouski (FIQ) c. CSSS Rimouski-Neigette, 2008 CanLII 19577 (QC SAT) (Requête en révision judiciaire rejetée, 2009 QCCS 2833).

5 Syndicat des professionnelles en soin s infirmiers et cardio-respiratoires de Rimouski (FIQ) c. Morin, 2009 QCCS 2833.