La vente d’une entreprise peut impliquer un transfert d’actifs ou d’actions. De plus, de nombreuses étapes juridiques doivent être franchies avant que le contrat final ne soit signé. Petit guide pour s’y retrouver…
La vente d’une entreprise est un processus complexe qui ne s’improvise pas. De nombreux éléments doivent être vérifiés et validés, à commencer par le choix du type de transaction qui sera privilégié, soit le transfert d’actifs ou celui d’actions. Par la suite, plusieurs autres étapes jalonnent le chemin qui mène à la signature du contrat de vente final. Me Renaud Lanthier, avocat et associé au sein du cabinet Bernard & Brassard, avocats d’affaires, nous guide tout au long du déroulement.
La différence entre actions et actifs
Il existe différentes façons de procéder à l’acquisition d’une entreprise: le plus souvent, on achètera ses actifs ou encore les actions détenues par ses actionnaires. «Dans le premier cas, il s’agit d’une personne morale qui vend ses actifs à une autre, explique Me Lanthier. Dans le second, l’entreprise demeure propriétaire des actifs, mais les actionnaires vendent les actions qu’ils détiennent dans le capital-actions de l’entreprise.» L’acheteur qui possède 100% des actions devient donc, par analogie, le «propriétaire» de l’entreprise.
Est-ce le vendeur ou bien l’acheteur qui choisit si ce sont les actifs ou les actions qui feront l’objet de la transaction? Tout est objet de négociation et différents aspects devront être pris en compte. «Sur le plan fiscal, par exemple, ce qui intéresse le vendeur est de payer le moins d’impôt possible sur le prix de vente qu’il empochera. Dans ce cas, vendre ses actions pourrait être plus avantageux que vendre les actifs de l’entreprise, indique Me Lanthier. En revanche, acquérir les actifs de l’entreprise évitera à un acheteur d’être pris dans la tourmente si celle-ci a “des squelettes dans le placard”, et de faire l’objet d’une poursuite éventuelle.»
Il souligne que, dans la pratique, c’est souvent la vente d’actions qui prédomine, essentiellement pour des raisons fiscales plus avantageuses pour les vendeurs. «Toutefois, dans ce cas de figure, ajoute Me Lanthier, rien n’empêche l’acquéreur de négocier le prix à la baisse pour compenser, ou encore de demander certaines garanties au vendeur.»
L’entente de confidentialité
Le processus de vente en lui-même comporte plusieurs étapes, dont la première consiste à signer une entente de confidentialité. «Il s’agit d’une convention qui encadre la remise à l’acquéreur des documents concernant l’entreprise cible. Pour pouvoir se faire une idée sur l’entreprise qu’il souhaite acheter, l’acquéreur doit en effet avoir accès à plusieurs renseignements délicats, comme les états financiers, la liste de clients et des fournisseurs, les contrats importants, etc., mentionne Me Renaud Lanthier. L’objectif de l’entente est d’interdire l’utilisation de ces renseignements confidentiels à d’autres fins qu’à celles d’analyser la possibilité de procéder au dépôt d’une lettre d’intention ou d’une offre d’achat de l’entreprise.»
Cela est particulièrement important dans un contexte où un concurrent souhaite procéder à l’acquisition d’une entreprise, ou encore si le propriétaire de celle-ci ne souhaite pas que la rumeur d’une vente s’ébruite.
En cas de violation de cette entente, le vendeur pourrait demander la délivrance d’une injonction et même réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
La lettre d’intention
Une fois que l’acheteur a pris connaissance de certains documents relatifs à l’entreprise communiqués suite à la signature de l’entente de confidentialité et qu’il a décidé d’en faire l’acquisition, la deuxième étape consiste à préparer une lettre d’intention. «Ce document démontre que l’on a l’intention de considérer l’achat de l’entreprise ou des actions détenues par ses actionnaires, sous réserve de la réalisation de certaines conditions et vérifications à venir. Toutefois, elle n’implique pas obligatoirement la réalisation de la transaction», explique Me Lanthier, qui précise que ce document sert également à s’assurer que le vendeur n’entreprendra pas de discussions relatives à la vente avec une autre personne durant le processus.
Divers éléments composent le contenu de cette lettre, comme le prix proposé, le choix d’achat d’actions ou d’actifs, les modalités de paiement et les diverses conditions à remplir afin que la transaction puisse se concrétiser. Par exemple: l’obtention du financement, la signature d’un nouveau bail avec le locateur, le fait de pouvoir conserver certains employés-clés qui travaillent à l’entreprise, etc. Finalement, cette lettre d’intention prévoit et encadre l’étape de vérification diligente de l’ensemble des activités.
La vérification diligente
Lorsque la lettre d’intention est signée par les deux parties, commence alors la vérification diligente. Celle-ci consiste à se renseigner sur l’état exact de l’entreprise, pour permettre à l’acheteur de déterminer si elle correspond à l’idée qu’il s’en faisait et aux risques qu’il est prêt à prendre. Il faut donc étudier les aspects à la fois légaux, comptables, fiscauxet opérationnels.
«On doit s’assurer que les chiffres qui nous ont été présentés sont vrais, qu’il n’y a pas de problème fiscal et aussi que les contrats qui lient l’entreprise sont en vigueur et ont été faits selon les règles. On se penche également sur les différentes restrictions à la transaction qui peuvent exister, par exemple la transférabilité des permis d’opération ou leur renouvellement. On vérifie les sûretés grevant les actifs, la qualité des biens vendus, les ententes liant l’entreprise, etc. Au bout du compte, l’objectif est de connaître l’entreprise aussi bien que le vendeur lui-même!», précise Me Renaud Lanthier.
L’offre d’achat
Si, après la vérification diligente, l’entreprise répond toujours aux attentes de l’acquéreur, on pourra alors amorcer l’étape suivante: l’offre d’achat. Il s’agit d’un document qui, une fois signé, liera juridiquement les deux parties, pour autant que certaines conditions soient remplies. Ce contrat conditionnel renferme les éléments qui se retrouveront dans le contrat de vente. Par rapport à la lettre d’intention, certains éléments peuvent avoir été modifiés par l’acheteur à la suite de la vérification diligente, par exemple le prix offert, les modalités de paiement ou encore le fait de vouloir conserver à son emploi certains employés clés, etc.
Pour sa part, le vendeur fournira à l’acheteur un certain nombre de garanties et fera desreprésentations relatives à l’entreprise, notamment que les biens lui appartiennent bel et bien et qu’ils sont libres d’hypothèques et peuvent servir aux fins de l’entreprise. L’offre prévoira également un processus d’indemnisation advenant le cas où le vendeur aurait caché ou falsifié un élément qui aurait pour effet de causer un préjudice à l’acquéreur. Il est également recommandé d’intégrer une clause de non-concurrence ou de non-sollicitation. Une fois les dernières ficelles attachées ensemble et les conditions de l’offre d’achat réalisées, on prépare le contrat de vente et on procède à sa signature. Il ne reste alors plus qu’à sabler le champagne!
Le conseil de l’expert
Il est possible de procéder plus vite en sautant l’étape de l’offre d’achat. Les parties commencent donc à négocier les termes du contrat de vente dès que la vérification diligente est terminée, et règlent parallèlement à celle-ci toutes les conditions permettant la réalisation de la transaction. «Toutefois, l’acheteur peut préférer lier le vendeur avec une offre d’achat, indique Me Lanthier, surtout s’il craint que ce dernier ne change d’avis en cours de route parce que le processus risque d’être long, par exemple pour l’obtention du financement.» L’offre d’achat est donc une excellente façon de sceller l’entente avant même la signature du contrat final.
ENCADRÉ : LES GRANDES ÉTAPES À RETENIR
- 1. L’entente de confidentialité
- 2. La lettre d’intention
- 3. La vérification diligente
- 4. L’offre d’achat
- 5. Le contrat de vente