Article rédigé par : Me François Normand et Me Alexandre Gemme

 

Dans la foulée de la lutte mondiale contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, le Groupe d’action financière (« GAFI »), un organisme intergouvernemental, a adopté certaines recommandations entrées en vigueur en 2018 visant à renforcer la transparence et la disponibilité de l’information relativement à l’identité des véritables propriétaires des personnes morales.

À l’instar de plusieurs autres états à travers le monde, le Québec et le Canada ont adopté de nouvelles législations afin de mettre en œuvre ces recommandations et ainsi permettre une plus grande accessibilité à l’égard des informations sur les véritables propriétaires des personnes morales.

Depuis l’entrée en vigueur en juin 2019 de l’obligation pour les sociétés de régime fédéral de tenir un registre des particuliers ayant un contrôle important sur la société, il ne s’agissait que d’une question de temps avant que le Québec ne se dote à son tour d’un régime offrant davantage de transparence à l’égard des propriétaires ultimes des entreprises faisant affaire au Québec et devant s’immatriculer auprès du Registraire des entreprises. Voici un rapide survol des nouvelles obligations qui attendent les entreprises québécoises.

 

Quelles sont les nouvelles obligations découlant du projet de loi no 78 ?

La Loi visant principalement à améliorer la transparence des entreprises, L.Q. 2021, c.19 (la « Loi ») modifie la Loi sur la publicité légale des entreprises, RLRQ, c P-44.1 (la « LPLE ») et imposera notamment comme nouvelle obligation aux entreprises faisant affaire au Québec l’obligation de divulguer davantage d’informations au Registraire des entreprises (« Registraire ») à l’égard des individus qui détiennent ultimement, même indirectement, 25% ou plus du droit de vote ou encore 25% ou plus de la juste valeur marchande de l’entreprise.

Les entreprises devront ainsi divulguer au Registraire les informations suivantes concernant ses véritables propriétaires :

  • leur nom ainsi que tout autre nom utilisé au Québec par ceux-ci;
  • leur date de naissance;
  • le type de contrôle exercé par ceux-ci;
  • le pourcentage d’actions, parts ou unités détenues par chacun d’entre eux;
  • la date à laquelle ils sont devenus de véritables propriétaires;
  • la date à laquelle ils ont cessé d’être de véritables propriétaires; et
  • l’adresse de leur domicile. Prendre note que les entreprises pourront également déclarer une adresse professionnelle pour ces individus.

 

Comment déterminer l’identité des véritables propriétaires ?

La Loi établit les principes généraux permettant de déterminer l’identité des véritables propriétaires des entreprises. À cet effet, en plus des personnes détenant au moins 25% du droit de vote ou de la juste valeur marchande de l’entreprise, une personne physique est considérée comme étant le propriétaire véritable de l’entreprise si elle entre dans l’une des catégories suivantes :

  • elle a une influence directe ou indirecte telle que, si elle était exercée, il en résulterait un contrôle de fait de l’entreprise par la personne physique en question;
  • elle est la commanditée d’une société en commandite;
  • elle est la fiduciaire de l’entreprise.

 

Informations publiques !

Contrairement aux informations présentes au registre des particuliers ayant un contrôle important mis en place pour les sociétés fédérales, lequel ne peut être consulté que par certaines catégories de personnes et sous certaines conditions, les informations relatives aux véritables propriétaires seront publiques. En effet, les informations recueillies concernant chaque véritable propriétaire d’une entreprise devront être transmises au Registraire qui publiera ces informations, et permettra ainsi au public de les consulter gratuitement.

Il est à noter que la date de naissance des véritables propriétaires sera confidentielle de même que l’adresse de leur domicile dans le cas où une adresse professionnelle sera également divulguée.

Autres changements

Outre ce qui précède, la Loi apporte également les modifications ou précisions suivantes à la LPLE :

  • les entités suivantes ne sont pas soumises à l’obligation de divulgation :
    – les organismes à but non lucratif;
    – les entités gouvernementales;
    – les institutions financières et les banques;
    – les entités qui sont considérées comme étant des émetteurs assujettis en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c. V-1.1; et
    – les sociétés de fiducie.
  • Il y aura une obligation pour chaque entreprise de fournir une copie d’une pièce d’identité de chacun de ses administrateurs au Registraire; et
  • toute personne pourra désormais obtenir la liste complète des entreprises pour lesquelles une personne est administrateur ou un des véritables propriétaires.

 

Attention aux sanctions !

Tout comme pour le registre des particuliers ayant un contrôle important au fédéral, la loi provinciale prévoit également des sanctions en cas de non-conformité aux nouvelles règles de divulgation. Quoique moins sévères, les sanctions restent tout de même importantes. En effet, une entreprise qui ne se conformerait pas aux nouvelles obligations est passible d’amendes allant de 500 $ à 25 000$ en plus d’être susceptibles de radiation par le Registraire.

En bref

À la lecture de ce qui précède, vous constaterez donc que vos obligations de divulgation d’information au Registraire à titre de propriétaire d’entreprise immatriculée au Québec se complexifieront. Il est également à noter que la détermination de l’identité des véritables propriétaires doit se faire, selon le Registraire, notamment par une approche juridique permettant d’identifier les individus qui sont les véritables propriétaires d’une entreprise par une analyse d’actes juridiques. Il est important de consulter votre conseiller juridique afin de prendre en compte les particularités de votre structure corporative afin de vous assister dans la détermination de l’identité des véritables propriétaires de votre entreprise.

Nous vous invitons ainsi à prendre rendez-vous avec un membre du groupe corporatif de Bernard & Brassard afin de vous assister dans l’accomplissement de vos nouvelles obligations en prévision de l’entrée en vigueur de ces nouvelles obligations, laquelle est prévue pour le mois d’octobre 2022.