Beaucoup de gens d’affaires vendent leur entreprise sans toucher 100% du prix de vente au moment de la transaction. Pourquoi? Parce qu’ils ont consenti à une balance du prix de vente. Cette pratique très répandue nécessite toutefois de prendre quelques précautions. Voici lesquelles.

Qu’est-ce que la balance de prix de vente? Aussi appelée solde du prix de vente, cela consiste à ce que la totalité du prix d’achat convenu ne soit pas versée au moment de la signature du contrat, et que l’acquéreur doive encore des sommes au vendeur, selon des modalités qui seront convenues entre eux. Généralement, le paiement s’échelonne sur une période de trois à cinq ans, exceptionnellement jusqu’à 10 ans.

Des avantages pour les deux parties

Cette formule est avantageuse, car la vente de l’entreprise peut être conclue, et ce même si l’acheteur manquait de liquidités ou qu’il n’avait pas obtenu tout le financement dont il aurait eu besoin pour acquérir 100 % de l’entreprise (actifs ou actions)
« C’est aussi une pratique rassurante et une sécurité accrue pour l’acheteur, dans la mesure où elle lui permettra éventuellement d’opérer compensation en cas de réclamation basée sur les représentations et garanties », souligne Me Marjorie Bergeron, associée déléguée au cabinet Bernard & Brassard, avocats d’affaires. Par conséquent, au lieu d’intenter un recours judiciaire contre le vendeur en cas de manquement de sa part, l’acquéreur, en suivant les termes et conditions de son contrat d’achat, pourrait avoir la possibilité d’opérer compensation à même la balance du prix de vente.
Octroyer un solde de prix de vente est aussi la preuve qu’il existe une confiance mutuelle entre les deux parties et que le vendeur ne se désengage pas une fois la transaction conclue. «Cela signifie que ce dernier a la certitude de vendre une belle entreprise, à un point tel qu’il demeure présent et qu’il ne coupe pas le lien avec l’acquéreur», mentionne Me Bergeron. Une confiance qui constitue aussi un signal fort pour l’institution financière prêteuse qui la verra généralement d’un bon œil.

Des clauses à inclure

Plusieurs clauses permettent d’encadrer la balance du prix de vente afin de baliser cette transaction et faire en sorte qu’elle demeure équitable pour les deux parties. Nous vous en soumettons notamment deux types comme illustration.
La clause de paiement par anticipation de la balance du prix de vente devrait être considérée lors de la rédaction des clauses, notamment s’il y a un changement de contrôle avant le plein paiement, une situation d’insolvabilité ou une vente des actifs de l’entreprise. «Plusieurs cas de figure sont à considérer, par exemple est-ce que des fonds sont détenus en fidéicommis et quels sont les termes pour utiliser ceux-ci en paiement immédiat? Les clauses doivent être pensées et analysées en fonction des différentes situations possibles» rappelle Me Bergeron.

Il est également possible de prévoir une clause d’indexation sur les bénéfices futurs. «Le vendeur et l’acheteur peuvent convenir que ce dernier payera un prix de vente plus élevé si la compagnie atteint un certain niveau de bénéfices. On indexe donc le montant aux revenus de l’entreprise», mentionne Me Bergeron, qui souligne que dans ce cas, il faut prévoir l’incidence fiscale.

Au surplus des clauses types, il y a d’autres éléments à prendre en ligne de compte : la subordination de la dette du vendeur dans un contexte de financement et les provisions fiscales sur la balance du prix de vente. «Le remboursement de la balance de prix de vente est subordonné au remboursement du prêt octroyé par l’institution financière prêteuse. Autrement dit, la banque a priorité sur le vendeur, ce qui constitue un risque accru pour le vendeur», dit Me Bergeron. La balance du prix de vente peut être sujette à une provision fiscale pour reporter l’impôt. «Lorsqu’une portion du prix de vente du bien devient payable après la fin de l’année d’imposition, le contribuable peut normalement déduire une provision. Celle-ci doit toutefois être raisonnable et limitée à une durée de cinq ans.», précise Me Marjorie Bergeron.

Les conseils de l’expert pour se protéger

Parce qu’il octroie une partie du financement à l’acquéreur, le vendeur se retrouve en quelque sorte dans les souliers d’un prêteur. Dans ce contexte, il a donc le droit de prétendre à un certain nombre de protections.
«Parmi les garanties qu’il pourrait exiger, on retrouve l’hypothèque mobilière et l’hypothèque immobilière sur les actifs de l’entreprise qu’il vend. Mais attention, souvenez-vous que celles-ci seront généralement de deuxième rang s’il a un prêteur bancaire impliqué», indique Me Bergeron.
Pour garder un certain contrôle, un vendeur pourrait aussi réclamer qu’on lui soumette les états financiers de l’entreprise. « En gardant ce droit de regard, il s’assure que la sécurité financière de l’entreprise est maintenue», fait valoir Me Bergeron. Dans le même ordre d’idée, il est possible d’interdire ou limiter les dividendes du dirigeant acquéreur ou toute une autre forme de rémunération trop élevée, afin que cela ne mette pas en péril la balance du prix de vente payable par l’acheteur au vendeur.
Un droit de veto ou des actions de contrôle peuvent aussi être concédés à ce dernier sur certaines décisions, tant que l’intégralité de ce qui lui est dû n’a pas été acquittée. Mais il faut faire preuve de prudence, car plusieurs conséquences fiscales y sont rattachées.
D’autres garanties complémentaires sont également envisageables, par exemple une hypothèque sur la résidence personnelle de l’acheteur.
«En tout état de cause, ce genre de contrat ne doit pas être signé à la légère. Il est essentiel d’être bien conseillé pour éviter les conséquences juridiques et fiscales fâcheuses qui pourraient découler d’une balance du prix de vente», conclut Me Bergeron.

À RETENIR

    • Vous envisagez d’octroyer une balance du prix de vente à votre acheteur? Bref rappel des éléments à considérer avant de conclure la transaction :

 

    • • Avez-vous prévu des clauses qui encadreront la transaction?

 

    • • Avez-vous pensé à inclure au contrat des garanties qui vous protégeront?

 

    • Avez-vous analysé les conséquences fiscales des différentes protections, clauses et garanties prévues au contrat?