Un employeur doit-il verser le même salaire aux étudiants qu’il embauche durant l’été que celui qu’il verse à ses employés réguliers ou occasionnels ?
À l’approche de la fin des classes et des vacances estivales des étudiants, plusieurs employeurs se tournent vers eux pour les embaucher durant l’été, question souvent de pallier aux remplacements engendrés par le départ en vacances des employés réguliers.
Au niveau de la rémunération de ces étudiants, on a constaté, au sein de plusieurs entreprises, une certaine pratique consistant à leur verser un salaire moindre que celui versé aux employés réguliers. En effet, la plupart du temps, les étudiants bénéficient d’un taux de salaire inférieur à celui accordé aux employés réguliers ou occasionnels, malgré le fait qu’ils accomplissent un travail équivalent à celui accompli par les employés réguliers ou occasionnels.
Il y a environ un an, la question de savoir si cette pratique était discriminatoire s’est posée auprès du Tribunal des droits de la personne (ci-après le « Tribunal ») dans l’affaire Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Aluminerie de Bécancour inc. (Beaudry et autres) (cette affaire est actuellement devant la Cour d’appel), (T.D.P.Q., 2018-05-11), 2018 QCTDP 12, SOQUIJ AZ-51496323, 2018EXP-1660, 2018EXPT-1183) (ci-après « Aluminerie de Bécancour inc. »). En effet, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après la « Commission »), se basant sur les articles 10 et 19 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c. C-12 (ci-après la « Charte »), alléguait que cette pratique était discriminatoire. Les articles 10 et 19 de la Charte prévoient respectivement ce qui suit :
Article 10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur […], l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, […], la condition sociale […].
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
[…]
Article 19. Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.
Il n’y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.
[…]
Répondant à l’argument de la Commission, le Tribunal a conclu que des étudiants qui reçoivent une rémunération moindre pour un travail équivalent que celle accordée aux employés réguliers ou occasionnels étaient victimes de discrimination fondée sur leur âge et leur condition sociale (article 10 de la Charte). En ce qui a trait au motif de discrimination basé sur « l’âge », le Tribunal a jugé que les étudiants sont généralement plus jeunes à l’embauche que les autres employés. Fait intéressant à noter : le Tribunal a considéré que la condition d’étudiant et le fait que les étudiants doivent travailler l’été pour payer leurs études devaient être assimilés à une « condition sociale » au sens de la Charte.
Pour déterminer si l’un des étudiants que vous embauchez exerce ou non un travail équivalent à celui de vos employés réguliers ou occasionnels ou encore si vous respectez l’alinéa 2 de l’article 19 de la Charte sur la disparité de traitement justifiée sur les éléments qui y sont prévus, communiquez avec nous, c’est avec plaisir que nous vous conseillerons à ce sujet.
En terminant, rappelons que l’affaire Aluminerie de Bécancour inc. a été portée en appel et que le jugement de la Cour d’appel est attendu.